Légitime ou non?
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On le voit autour de nous, partout dans les journaux, sur internet, dans nos familles: toutes les lectures ne sont pas légitimes. Quand on ose dire qu'on a lu tel ou telle auteur, les gens vont se moquer, juger, parfois simplement froncer du nez.
Mais qu'est-ce que cette légitimité ? Pourquoi devrait-elle concerner ce qu'on lit ou pas ?
La légitimité est l'autorité qui donne droit à un genre de livres, un auteur ou un livre en particulier de faire partie de la "vraie littérature", la belle, la grande (la notion est très française). C'est cette notion que certains livres sont inférieurs aux autres et ne méritent pas l'attention qu'on leur porte. De nombreux ouvrages sont victimes de cette idée de légitimité: les romans Harlequin, les romans policiers, la littérature pour adolescents et jeunes adultes (le manga et la BD aussi dans une certaine mesure). Marc Levy, Danielle Steel, Nora Roberts, David Foenkinos, Anna Gavalda, Dan Brown, ... Tous ces auteurs sont des best-sellers, et pourtant ils sont mal considérés, rabaissés souvent, et leurs ouvrages sont critiqués (et pas dans le sens professionnel de la chose).
Danielle Steel te juge depuis ses 30 ans de carrière
Simplement parce que ces littératures abordent des sujets considérés comme bas ou controversés, ne sont pas toujours écrites d'une façon irréprochable ou d'une extrême complexité, elles ne mériteraient que du mépris. Pire encore, on associe la lecture de ces œuvres à une absence d'intelligence, de culture, avec une pauvreté de langage, souvent associé à une pauvreté réelle. Dire que ces livres ne sont pas légitimes, c'est donc les insulter eux, mais aussi leurs lecteurs.
C'est une idée que je rencontre souvent dans mes études de future bibliothécaire et qui me hérisse le poil à chaque fois. Pourquoi, pour mériter d'être lu, un roman devrait-il être si complexe qu'un dictionnaire est nécessaire tout le long de sa lecture ? Et au contraire encore, pourquoi la complexité ne serait pas reconnue simplement parce que le sujet choisi est considéré comme populaire (comme si c'était une insulte!), vulgaire ? Mais surtout, et c'est le point qui me parait le plus important, pourquoi lire un livre peu complexe, au sujet parfois vu et revu avec une écriture simple, voir banal, signifierait immédiatement que la personne lectrice soit stupide ou pauvre culturellement ?
En y réfléchissant, tout dépend de ce qu'on recherche en lisant. Souhaite-t-on découvrir quelque chose de nouveau ? Veut-on s'immerger dans une belle langue ? Cherche-t-on à challenger notre cerveau avec des éléments complexes ? Ou bien veut-on simplement s'évader, dans un monde imaginaire plus ou moins proche de la réalité ? Chaque lecteur doit pouvoir y trouver son compte sans avoir l'impression d'être jugé. Car enfin, à qui rend-on service quand on insulte à demi-mots, voir ouvertement, les lectures des gens ? Il existe en ce moment une crise de la lecture, nous dit-on. Les gens ne lisent plus. Mais ce n'est pas en se moquant de certaines lectures que nous allons résoudre le problème. Réjouissons-nous que les gens aillent vers les livres, quel qu’ils soient (les exceptions concernent seulement les livres qui promeuvent des idées dangereuses: incitation à la violence, glorification d'un message haineux, raciste ou sexiste ...)
Que des gens apprécient un style de littérature n'empêche pas d'en apprécier un autre et le style ou l'écriture ne devraient pas appeler cette notion de légitimité. trouver des défauts à un genre ou un auteur ne justifie pas de dénigrer complètement l'oeuvre et le travail qu'il y a derrière. Juger un roman et ses lecteurs ne fait pas de soi-même quelqu'un de plus intelligent. Aimez les livres que vous voulez et laissez les autres en paix.
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